La laïcité fait régulièrement débat au sein de notre société. Un mot, un concept, une valeur qu’il était essentiel d’éclairer. Lors d’un Bureau politique, nous avons pris le temps de revenir sur sa définition et ses multiples enjeux avec l’aide de François De Smet président du parti DéFI, mais avant tout philosophe.

A. C’est quoi la laïcité ?

1. Un concept franco-français

La laïcité est un concept franco-français très difficilement exportable et traduisible dans d’autres régions. Même en Belgique, par rapport à la France, nous n’avons pas tout à fait la même notion. Il y a une différence entre la laïcité française telle qu’elle est consacrée par la loi 1905 et notre laïcité à la belge.

2. La laïcité française

La laïcité française est une séparation claire et nette entre les Eglises, car il y a toujours plusieurs religions, et l’Etat. Dès lors, quand il y a un conflit potentiel, c’est toujours l’Etat qui doit l’emporter. La laïcité française peut sembler carrée mais a le mérite d’être claire par rapport à la laïcité à la belge qui est ambivalente.

3. La Laïcité belge

Chez nous, la laïcité désigne à la fois la séparation de l’Eglise et de l’Etat et un courant philosophique déterminé qui combat les visions axées sur la religion. Celui-ci peut donc donner l’impression de promouvoir un agnosticisme ou un athéisme affirmé. A tel point que, depuis quelques années, le mouvement laïc est lui-même reconnu comme le sont les autres courants religieux.

Dans cette perspective, on peut être profondément croyant : catholique, musulman, athée… et se dire qu’il faut une séparation claire entre l’Eglise et l’Etat. Il est ainsi plus intéressant de considérer la laïcité comme un mode d’organisation. Celui-ci permet la libre expression des religions et des convictions, tout en mettant une barrière assez stricte entre l’Etat et ces expressions. De plus, ce mode doit garantir à celles-ci la liberté de leur organisation et la libre expression des convictions de chacun.

B. La laïcité et la liberté de religion

1. Champ privé >< Champ public

Chez certains laïcs, il y a une méprise sur ce qu’est la liberté de religion. Une liberté de religion, ça ne s’exerce pas juste dans le champ complètement privé. En effet, quelqu’un qui a une religion ne l’exerce pas comme un hobby, comme il ferait un sport ou une activité. L’expression d’une religion, d’une conviction concerne aussi le monde extérieur. Dans la rue et, dans un certain nombre d’endroits, il est tout à fait conforme à la liberté de religion, même s’il y a des conditions notamment de sécurité ou de vivre ensemble, de pouvoir exprimer des convictions et des religions, et ce même de manière vestimentaire.

2. L’école et l’enseignement

Depuis la fondation de la Belgique en 1830, les relations entre l’Etat et l’Eglise ont une teinte particulière. En effet, notre pays est né grâce à une alliance entre les Libéraux et les Catholiques, les deux grands courants de l’époque. Au fil du temps et à de multiples reprises, les enjeux liés à la religion et l’Etat ont été sources de tension, particulièrement sur l’école. Deux guerres scolaires en ont notamment découlé.

Aujourd’hui, les différents réseaux d’enseignement en sont un des héritages des plus flagrants ainsi que les cours de morale et de religion. Il y a toujours eu une tendance à voir la laïcité autrement, toujours comme un compromis.

3. La place de la liberté d’expression

La manière dont on perçoit la liberté d’expression et de religion peut être très différente d’un pays à l’autre. Cependant, les décisions rendues par la Cour européenne des Droits de l’Homme ont permis des avancées significatives sur ce sujet. Nous pensons notamment à l’arrêt Handyside qui dit que la liberté d’expression, même si c’est une liberté fondamentale, n’est pas totalement absolue.

Dans une démocratie, on doit pouvoir s’exprimer. Cependant, on ne peut pas faire n’importe quoi. On a le droit d’offenser, d’inquiéter, de choquer mais on n’a pas le droit d’appeler à la haine, à la discrimination et au meurtre. On a le droit de dire des choses dérangeantes et qui ont l’air de bousculer l’ordre social, même s’ils portent sur la religion que l’on défend.

C. La laïcité, un principe d’organisation

La liberté de religion, c’est essentiel dans une société démocratique mais jusqu’à quel point ?! Au fond, qu’est-ce qu’on veut comme société ? Veut-on une société où les gens restent isolés les uns des autres et ne se mélangent jamais ? Ou désire-t-on une société où les idées et les différences de cultures et de convictions voyagent et où vous êtes un peu obligés de vous confronter à des gens différents de vous ?

On peut discuter de manière infinie sur la laïcité et le port de signe religieux, selon le contexte dans lequel on se trouve et l’interprétation qu’on en fait. Cependant, et c’est la Cour européenne des Droits de l’homme qui le dit, il peut arriver qu’un Etat démocratique, pour favoriser le vivre ensemble, limite une liberté de religion. Cela peut se produire si, à terme, cela créée une société invivable. Ce principe a été avancé lors d’une décision rendue par la Cour sur l’interdiction du port de la Burqa au motif que, pour faire société, les gens doivent pouvoir croiser le regard des uns des autres

d. Pour conclure

La Laïcité est un enjeu pas simple à appréhender car nous sommes dans un monde où l’identitaire est au premier plan. Le meilleur antidote contre la fermeture et l’obscurantisme, c’est d’ouvrir les fenêtres des esprits et faire voir d’autres conceptions du monde. Il faut faire sortir chacun de sa bulle de confort et pousser à l’ouverture aux autres. Il est donc temps de lever les flous en Belgique en définissant clairement ce que nous entendons par Etat laïc.

Tu n’as pas pu assister à notre Bureau politique ? Ou tu te poses d’autres questions sur ce sujet qui fait tant débat ? Retrouve l’intervention complète de François De Smet ainsi que nos questions/réponses.

En savoir plus sur la laïcité

Auteur
Jolan D'Hooghe
Secrétaire politique DéFi Jeunes

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